Gazette N° 146-2 en date du 1er septembre 2006
2e Congrès sur la souveraineté technologique de l’Europe
http://www.soberaniatecnologica.com/
Madrid 3/5 octobre 2006
Schéma de l’intervention de Jean-Paul Baquiast
Rédacteur en chef de Automates-Intelligents, membre du bureau de Paneurope France
Il faut féliciter nos amis espagnols de poursuivre grâce à ce 2e Congrès l’utile travail de sensibilisation de l’opinion publique entrepris l’année dernière à Madrid. Il s’agit de convaincre les pays européens de se doter des éléments permettant à l’Europe d’acquérir une souveraineté technologique qui lui manque encore.
Aussi bons que soient les premiers résultats, il faut cependant se rendre compte que le but est encore loin. Les pessimistes diront même qu’il recule. Pourquoi cela ? Mon diagnostic personnel est le suivant :
Les Européens n’ont pas encore établi de stratégies communes face aux grands défis que l’Europe va devoir affronter dans les 10 à 20 prochaines années.
Tant que manquent des travaux provenant des divers pays européens et des Institutions européennes précisant ces défis et les solutions possibles, les Européens ne verront pas la nécessité de se doter d’outils spécifiques de souveraineté. Ils s’en remettront à d’autres pour régler leurs problèmes.
Dans quels domaines l’Europe manque-t-elle de prospective stratégique. Citons les principaux, également prioritaires :
1. Comment affronter ce qui sera la grande crise mondiale du 21e siècle, c’est-à-dire les modifications climatiques dues à la production des gaz à effet de serre et leurs conséquences sur les territoires habitables et cultivables, les espèces vivantes, les migrations de population. D’ores et déjà on peut craindre le pire, c’est-à-dire de futures guerres pour les ressources vitales confrontant des centaines de millions de personnes dans ce que l’on appelle maintenant des guerres de 4e génération. L’Europe sera la première victime de telles guerres.
Pour éviter cela, il faudrait dans l’immédiat s’accorder sur des investissements massifs en faveur des technologies permettant d’économiser l’énergie d’abord, produire des énergies renouvelables y compris nucléaire ensuite (étant entendu que dans la meilleure des hypothèses, le nucléaire ne pourrait pas couvrir plus de 10 à 15% des besoins mondiaux en énergie à horizon de 2050).
Ces investissements devront être soutenus par les Etats. Il n’est pas possible de sortir de l’économie du pétrole et d’obtenir des changements importants dans les modes collectifs de consommation d’énergie et de produits manufacturés (décourager les transports routiers, adapter les logements anciens, par exemple) sans conséquences sur la « croissance » de certains secteurs, qu’il faudra compenser.
2. Comment assurer une présence européenne forte dans des espaces géostratégiques vitaux pour l’Europe. Citons le domaine spatial proche ou lointain (incluant l’exploration planétaire humaine), le domaine maritime (qui s’étend bien au-delà des eaux d’influence économique exclusive), la structuration du territoire et des économies européennes autour de réseaux de transports modernes. Si l’Europe ne fait rien, ces domaines seront dominés, soit directement par les Etats-Unis et bientôt la Chine, soit indirectement par des entreprises non européennes agissant au nom du libéralisme pour empêcher toute politique de rationalisation économique et de défense des services publics essentiels.
3. Comment faire pour que des populations et des Etats se battant contre les Etats-Unis et leurs alliés pour récupérer la jouissance de leurs territoires nationaux et de leur indépendance politique trouvent en l’Europe une puissance médiatrice et d’interposition. L’Europe doit tout faire pour éviter la guerre des civilisations à laquelle veulent l’entraîner les extrémistes des deux cotés. Pour cela il lui faut une capacité de défense autonome et puissante qui refuse d’être le bras armé (proxy) de la puissance américaine. Il lui faut aussi proposer des solutions technologiques et scientifiques avancées pouvant permettre des coopérations équilibrées (énergie, agriculture, santé publique, restauration des environnements dégradés, etc.). La maîtrise par les Européens des biotechnologies et des nanotechnologies sera essentielle dans ce but.
4. Comment proposer efficacement des politiques culturelles favorisant l’éducation, les apprentissages aux nouveaux savoir faire, le dialogue entre civilisations – ceci aussi bien à titre interne qu’au bénéfice des échanges culturels mondiaux. Récupérer la maîtrise par les Européens des infotechnologies est plus que jamais indispensable. Le secteur est actuellement mondialement dominé par les industries culturelles américaines, elles-mêmes au service des intérêts économiques et stratégiques de cette puissance.
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Or, il faut bien constater que la politique actuelle de l’Union européenne et des principaux Etats-membres, marquée par le refus des actions publiques, une idéologie libérale de plus en plus destructrice et la peur de toute action diplomatique forte ne peut que pousser l’Europe à la dissolution politique et à l’impuissance technoscientifique. Lorsque l’Europe ne sera plus composée que de consommateurs potentiels, sans revenus propres, elle aura rejoint le Tiers Monde dans l’impuissance et la dépendance.
Le problème de l’Europe, ce n’est pas l’Europe, c’est l’Amérique
Texte en discussion interne
Les Européens se reprochent souvent à eux-mêmes d’être incapables de s’entendre pour construire une Union Européenne susceptible de peser sur la scène internationale. Les plus clairvoyants déplorent leur attachement persistant aux nationalités et aux régulations protectionnistes, leur refus d’investir en commun, leur manque de vision stratégique collective. Il est certain que la construction européenne s’est considérablement ralentie depuis quelques années. Les Européens qui voudraient voir l’Europe se comporter en grande puissance autonome, indépendante et responsable se sentent de plus en plus découragés.
Cependant, ces derniers temps, à la suite des évènements survenus au Moyen-Orient, les Européens s’intéressant à la politique étrangère ont repris un peu confiance. A l’impulsion de la France, de l’Italie et de quelques autres, l’Europe semble vouloir rappeler qu’elle aussi peut jouer un rôle dans la résolution du conflit entre Israël et les Palestiniens, comme plus généralement dans un meilleur dialogue entre les Etats arabes et l’Occident. Elle a joué un rôle majeur à l’ONU pour faire adopter la résolution 1701 demandant le cessez le feu. Elle s’est engagée ensuite à prendre le commandement d’une FINUL renforcée visant à créer une zone d’interposition entre Israël et le Sud Liban aux mains du Hezbollah. On saura très vite si cette présence européenne, à supposer qu’elle soit admise de part et d’autre, peut, au-delà du maintien du cessez-le-feu, aider à faire admettre tant à Israël qu’aux Etats arabes la nécessité d’un accord durable entre deux Etats souverains et se respectant l’un l’autre, l’Etat d’Israël et le futur Etat palestinien.
Mais avant que cet issu favorable puisse se produire, le risque est grand que, sous la pression véritablement suicidaire du gouvernement américain et des faucons israéliens, une offensive militaire contre les sites de recherche nucléaire iraniens, voire une attaque de plus grande ampleur contre l’Iran, relancent un affrontement général entre les Etats-Unis et Israël, d’une part, l’ensemble des Etats arabes d’autre part. Les informations venues des Etats-Unis eux-mêmes montrent que la tentation est actuellement très grande, chez les Républicains et même chez certains Démocrates, de fuir par le haut l’impasse irakienne où l’armée américaine s’enlise. Pour ce faire, le moyen serait de provoquer un conflit plus étendu où des armes de grande puissance, éventuellement atomiques, pourraient être employées. Dans l’esprit de ces bellicistes, l’Amérique pourrait alors rappeler au monde qu’elle est encore la seule super-puissance et qu’il faut de nouveau compter avec elle.
Les observateurs réalistes, y compris aux Etats-Unis, sont au contraire persuadés qu’une telle attaque entraînerait pour des années un affrontement sur tous les plans (une guerre de 4e génération) entre le monde musulman et l’Occident. Israël, engagé dans cette aventure, signerait son arrêt de mort. Les Etats-Unis eux-mêmes, au prétexte de se débarrasser du risque hypothétique que serait une bombe nucléaire iranienne, multiplieraient le nombre des candidats au martyr capables de frapper n’importe où, y compris sur le territoire américain, avec des armes de destruction massive artisanales.
Quant à l’Europe, ayant été incapable d’empêcher le geste fou du gouvernement américain, elle serait assimilée par l’opinion arabe aux agresseurs et subirait de plein fouet les représailles des milices et des groupements terroristes qui, bien entendu, auraient survécu, en se renforçant, à l’attaque américano-israélienne. Ce serait une fin bien lamentable pour les espoirs de renouveau de la politique étrangère européenne.
L’Europe pourrait-elle, dans les prochains jours, retenir les Etats-Unis au bord du geste irrémédiable – attaquer l’Iran - que tout semble annoncer. Nous avons ici il y a quelques jours proposé ce que pourrait être une stratégie européenne à long terme pour le Moyen Orient. Mais il ne faut pas se faire d’illusion. Entre l’Amérique et l’Iran qui semblent résolus au pire, chacun nourrissant l’espoir de se tirer mieux que l’autre d’un conflit généralisé, la diplomatie européenne n’aurait aucune chance de se faire entendre.
Que feraient alors les Européens. Réussiraient-ils à se désolidariser des Etats-Unis, non pour prendre le parti de l’Iran ou d’extrémistes du monde arabe, mais pour mener campagne aux Nations Unies, s’il était encore temps, afin que le début de guerre de civilisations ainsi amorcé ne s’étende pas ?
Cependant, pour que l’Europe se désolidarise des Etats-Unis, dans le cas où ils attaqueraient l’Iran, il faudrait que les stratèges et décideurs européens, encore pénétrés d’atlantisme jusqu’à la mœlle, commencent à comprendre que les Etats-Unis, loin d’être les alliés de l’Europe, sont en train de devenir, sinon encore son pire ennemi, du moins le plus insoluble de ses problèmes.
Que voulons nous dire par là ? Très simplement que l’ « alliance américaine », autrement dit la dépendance étroite à l’égard des Etats-Unis, entraîne les Etats européens dans le gouffre que ceux-ci, s’ils ne changent pas très vite de politique, sont en train de creuser sous leurs pieds.
Les Européens peuvent admettre que l’alliance américaine, pendant toute la guerre froide, les a protégés de l’invasion de l’armée Rouge et de la tutelle soviétique. Mais les gouvernements américains de l’époque, mêmes s’ils n’étaient ni des enfants de chœur ni toujours bien adroits, se sont toujours montrés relativement rationnels. Certes, au fond d’eux, ils se moquaient du sort de l’Europe, ne voyant en elle qu’un glacis où les avant-gardes russes ne devaient pas s’établir. Mais objectivement leurs intérêts et ceux des Européens se recoupaient. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Avec une Amérique devenue folle et dangereuse parce que folle, l’Europe court les plus grands risques. L’Amérique ne peut plus les protéger contre personne, qu’ils le veuillent ou non, notamment pas du terrorisme islamique puisqu’elle n’a de cesse de l’attiser, comme nous venons de le dire.
Quant à penser que les Etats-Unis pourraient protéger l’Europe des emprises éventuelles d’autres grandes puissances, notamment la Chine, ce serait rêver. L’Europe, devenue enfin indépendante des Etats-Unis, serait bien plus capable de négocier seule des gentlemen’s agreements avec les autres puissances qu’en se présentant en « caniche » du président américain.
L’Europe ne peut se faire et se sauver que par ses propres moyens. L’expérience de quelques années montre que les Etats-Unis, loin d’encourager la montée en puissance politique et économique de l’Europe, font tout ce qu’ils peuvent pour la maintenir en lisière. Le présent article n’est pas le lieu pour traiter de la guerre économique et du renseignement que mènent les agences américaines en Europe. Il n’est pas non plus le lieu pour rappeler comment les grandes firmes américaines font de l’espace ouvert européen une chasse gardée à leur profit. Mais les Européens doivent se persuader qu’en prenant toutes leurs distances avec les Etats-Unis, ils pourraient enfin devenir adultes, politiquement et technologiquement, au sein d’un monde multipolaire.
Or il se trouve que la rupture avec les Etats-Unis, caressée jusqu’ici par quelques Européens comme un rêve encore improbable, risque de s’imposer très vite si, comme nous l’indiquions plus haut, les Etats-Unis, avec ou sans Israël, se lançaient dans une guerre contre l’Iran et sommaient les Européens de les suivre. On peut avoir de bonnes raisons de penser que les gouvernements européens refuseraient de le faire, même celui de Londres. En ce cas, la guerre américaine à l’Iran serait à la fois le début d’un Armageddon souhaité sans doute par les ultras de Washington et le jour de naissance d’une Europe enfin adulte. 30/09/08
Note.
Aujourd’hui, certains stratèges européens commencent à se rendre compte du danger de l'alliance européenne, comme le rapporte Philippe Grasset dans un article significatif auquel nous vous renvoyons (cf http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=3090 ). Mais les vieilles idées ont la vie dure. Il le dit fort bien :
« Aucune autorité européenne n’est capable d’expliquer de façon convaincante, sortie de la bouillie pour chats du discours convenu, pourquoi les relations avec les Etats-Unis doivent être “préservées et favorisées”, plus que, par exemple, les relations avec la Russie, avec la Chine ou avec l’Iran. L’explication culturelle et morale (“valeurs communes”) est pompeuse, sentimentale comme une midinette et outrancièrement, outrageusement fausse. L’explication économique (commerce et tout le reste) est un sophisme : les USA ont autant besoin de l’Europe que l’inverse et chacun a besoin du reste du monde parce que l’univers économique est globalisé ; pas de cadeau particulier à faire aux USA. L’explication de la puissance (être du côté de la puissance) est primaire, sans finesse et indigne, et, de toutes les façons, en train d’être pulvérisée par l’effondrement stratégique des USA. Restent les phantasmes, les fascinations, les conformismes et la corruption psychologique générale, — bref, notre libido ou tout comme.)
Ces impératifs de préserver et de favoriser les relations avec les USA pèsent comme un boulet sur la “politique européenne” dans la mesure de l’évolution de la politique américaniste et des exigences américanistes qui vont avec. Cette mesure est catastrophique parce que la politique américaniste est aveugle, insensée (au sens de “qui n’a pas de sens”) et réduite aux pulsions sauvages d’un establishment washingtonien plongé dans le désordre et l’hystérie d’une psychologie malade. Chaque crise est constituée, pour l’Europe, à la fois du problème qu’impose cette crise et du renforcement de l’insupportable dilemme européen des relations avec l’Amérique.
Cette question des relations avec l’Amérique est une affaire de substance et c’est même la principale, voire la seule affaire de substance de toute “politique européenne”. Toutes les autres questions et les crises conjoncturelles qui éclatent et soumettent la “politique européenne” à de rudes tensions doivent être analysées à la lumière de cette question de substance pour être bien comprises, et éventuellement être résolues.
Fusion GDF Suez
L'examen du projet de loi sur l'énergie, qui prévoit de ramener la participation minimale de l'Etat dans le capital de GDF de 70% à un tiers, doit débuter le 7 septembre à l'Assemblée nationale en session extraordinaire. Le ministre des Finances Thierry Breton avait affirmé que "le gouvernement et la majorité seraient prêts et seraient unis pour ce débat".
L’intervention du député UMP des Deux-Sèvres Dominique Paillé sur France Inter (Questions directes, 28/08/06) a permis de poser la question de savoir si la privatisation de GDF proposée par le gouvernement à l’occasion de sa fusion avec Suez était souhaitable pour l’intérêt national et européen. Marc Paillé est en effet le chef de file des députés de la majorité (30%) qui s’opposent à cette opération. Ses arguments, résumés, sont les suivants : 1. Suez+GDF ne sera jamais un grand du gaz, que ce soit au plan mondial ou même européen (ni pour la production, ni pour la distribution, ni pour le poids en tant qu’acheteur). 2. Suez+GDF ne sera pas à l’abri du risque d’une OPA hostile éventuelle, contre laquelle le gouvernement ne pourra rien faire. 3. Le gouvernement ne pourra pas imposer de modération tarifaire à Suez+GDF. 4. La fusion une fois faite sera irréversible.
L’alternative proposée consisterait à créer un grand acteur public Energie de France, comprenant EDF + GDF. Ce pôle serait de poids mondial. Il aurait la possibilité d’arbitrer à l’avenir entre l’électricité et le gaz, tant sur la production que sur la distribution et les tarifs. Enfin il ne serait pas opéable.
Dominique Paillé s’est montré franc. Il n’a pas caché qu’une partie de l’attrait de l’opération de fusion aux yeux de la droite consiste à déstabiliser la CGT et servir les intérêts des actionnaires de Suez aux dépends des intérêts du service public. Quant à la position de Nicolas Sarkozy, il ne la dépeint pas de façon très flatteuse. NS serait au fond de lui-même hostile à l’opération, mais par solidarité gouvernementale et parce qu’il veut, pour son avenir politique, ne pas quitter le gouvernement avant l’année prochaine, il soutiendra le projet de fusion. On ne peut pas dire plus clairement que, par intérêt personnel, NS soutiendra un projet qu’il estime contraire à l’intérêt national.
Que penser pour notre part de ce projet de fusion. N’évoquons pas les questions secondaires, telles que l’opposition momentanée de la Commission européenne et l’argument de gauche selon laquelle il s’agirait d’un nouveau « démantèlement » du service public. Les vraies questions doivent être posées dans la perspective qui doit être celle de la France et de l’Europe : comment se désengager le plus vite possible de la consommation des énergies fossiles (gaz compris) et des dépendances qu’elles imposent (en l’espèce, pour le gaz, dépendance à l’égard de la Russie et de l’Algérie) ; comment encourager aussi bien les économies d’énergie que les investissements dans les énergies renouvelables, nucléaire compris.
La réponse nous parait être sans ambiguïté. Ceci ne peut se faire qu’à deux conditions : 1. Dans le cadre de grands services publics ayant les reins assez solides pour investir directement et encourager indirectement les investissements du secteur privé (notamment dans les économies d’énergie et dans les énergies renouvelables légères). 2. Dans le cadre d’un prix de l’énergie maintenu suffisamment élevé pour que les consommations somptuaires et gaspillages soient pénalisés (qu’il s’agisse de l’énergie fossile pétrole et gaz ou de l’énergie en général) et pour que les investissements dans de nouvelles sources et économies d’énergie deviennent rentables. Cette dernière condition impose une politique des prix régulée par l’Etat et suppose parallèlement bien d‘autres mesures où la puissance publique devrait intervenir, par exemple en encourageant les nouveaux modes de transport (voir notre note), d’habitat et de consommation.
Ceci est-il envisageable au niveau de l’Union européenne, compte-tenu de ses compétences actuelles comme du poids politique qu’y pèsent les intérêts pétroliers et plus généralement les défenseurs du libéralisme ? Peut-être pas, mais il serait en tous cas indispensable qu’un gouvernement français soucieux du bien collectif pose la question.
Si ce n’était pas envisageable au niveau de l’Union, le serait-ce au plan français seul (la France pouvant au demeurant espérer trouver quelques alliés en vue d’établir des « coopérations renforcées ») ? La réponse nous parait clairement être affirmative. Un grand service public Energie de France disposerait d’actifs et d’acquis suffisants pour peser sur le marché dans le bon sens. Quand la France avait choisi la filière nucléaire, ce dont tout le monde de bonne foi se félicite aujourd’hui, elle ne s’était pas posé la question de savoir si elle serait la seule. Mais que diraient les consommateurs du maintien d’un prix élevé de l’énergie ? Ce serait là tout l’enjeu d’une politique nationale clairement orientée vers la lutte contre les gaz à effet de serre, la sortie du pétrole et pour les nouvelles énergies. Si notre pays adoptait clairement une telle politique, certains intérêts en souffriraient momentanément, d’autres en tireraient profit. Mais globalement et à terme, toutes les études sur les stratégies énergétiques et géopolitiques montrent que le coup serait gagnant. Dans l’immédiat, le bon exemple que nous donnerions au plan européen voire mondial serait très important.
Peut-on espérer que dans le prochain débat à l’Assemblée de tels arguments puissent être évoqués et retenus, tant par la majorité que par l’opposition. Sans doute pas. Mais il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre.
Supposons cependant que la fusion Suez-GDF soit finalement votée, 49-3 à l’appui. Nous pensons, quitte à être qualifié d’irresponsable, que le premier devoir de la future majorité serait de l’annuler, pour engager la politique d’avenir esquissée ci-dessus. 28/08/06
PS au 29/08. Un lecteur me demande d'ajouter l'objection suivante:
" En l'occurence GDF et EDF , qui détiennent l'essentiel du marché du gaz et de l' électricité en France , ne pourraient fusionner , en respectant les règles de la concurrence de l'UE , qu'en procédant au préalable au démantélement de leurs entreprises , ce qui , à la veille de l'ouverture complète du marché de l'énergie en Europe , serait un formidable cadeau fait à la concurrence internationale ! Le handicap de GDF , qui va voir son privilège d'accés au consommateur français se réduire progressivement est de ne pas être producteur de gaz mais uniquement transporteur et distributeur , ce qui précisément va êre ouvert à a concurrence. Face à l'entente GAZPROM - SONATRACH, les "consommateurs" doivent impérativement se regrouper pour faire front par la dimension des entreprises et la coordination de leur politique d'importation . La fusion Suez-GDF répond à la première condition , pour la seconde c'est à l'UE d'agir , sans plus tarder."
Je réponds à cela que si les normes européennes actuelles sont mauvaises pour la France et l'Europe, en empéchant dans un premier temps les regroupements des champions nationaux (EDF/GDF + leurs filiales) il faut négocier avec l'Europe pour les faire changer. Nous avons là un exemple où le libéralisme de principe de Bruxelles, appliqué à la lettre, aboutit à des absurdités. JPB