Gazette d'Admiroutes N° 166 du 31 août 2007

Publié le par Jean-Paul Baquiast

Lire aussi sur Admiroutes - Automates Intelligents:
* Sur les cerveaux de Boltzmann http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2007/83/boltzmann.htm
* La vision sémantique chez les robots http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2007/83/srvc.htm


Un livre de Jean-Paul Baquiast (en librairie)

Pour un principe matérialiste fort
Essai
Edition Jean-Paul Bayol
300 pages - ISBN : 978-2-916913-00-1

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Le livre est actualisé en ligne sur ce site

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* Ouvrage publié en Open-Source (accès libre et gratuit) par Jean-Paul Baquiast
Comprendre. Nouvelles sciences, nouveaux citoyens. 2005. PDF 825 ko
Refonte de
Sciences de la complexité et vie politique. Tome 1 Comprendre.

Communication aux lecteurs

Des amis me conseillent de transformer ce blog qu'ils jugent trop massif pour favoriser les réactions en ligne. Ils voudraient que je publie au jour le jour les articles composant la Gazette, de façon à ce qu'ils puissent intervenir, comme par exemple on le fait sur AgoraVox. J'avoue que cette formule me demanderait un peu plus de travail. Par ailleurs, les abonnés actuels ne souhaiteraient sans doute pas recevoir un message quasi quotidiennement.  Si certains d'entre vous ont un avis sur ce point, ils peuvent me le communiquer ici, dans un premier temps. JPB. 01/09/2007


Bioéthique ou biorégression

Une expérience récente faite sur la souris a montré que seules des cellules-souches embryonnaires pouvaient réparer un muscle cardiaque en partie détruit par un infarctus. Tout permet de penser que l’opération serait transposable chez l’homme. En tout cas, il faudrait pouvoir un jour essayer. On voit les espoirs que de telles interventions pourraient donner à des malades condamnés à l’immobilité suite à une atteinte cardiaque étendue. Rappelons qu'au contraire des cellules-souches embryonnaires, les cellules-souches non embryonnaires ne manifestent que des facultés d'adaptation et de regénérescence très limitées.

Malheureusement, cette perspective, qui devrait faire l’objet d’un intérêt unanime en Europe, reste du domaine de l’impossible du fait de la radicalisation progressive de l’Eglise catholique concernant tout ce qui touche à l’embryon, fut-il constitué de quelques cellules seulement. Cette position lui est propre et ne se retrouve pas dans les autres religions. Un certain nombre de gouvernements européens ont cependant intériorisé les interdits du Vatican et prohibé, notamment, les recherches sur les cellules-souches embryonnaires. Seule la Grande Bretagne fait montre à cet égard du minimum d’ouverture permettant à la recherche scientifique de s’exercer normalement.

Les biologistes européens s’impatientent de plus en plus. Certains d’entre eux viennent de demander aux législateurs allemands et italiens de revenir sur les interdictions en vigueur dans ces deux pays concernant les recherches sur l’embryon humain. Quant à la France, le précédent gouvernement avait promis que cette question, parmi d’autres, serait soumise à des Etats Généraux de la bioéthique qui devaient se tenir à la rentrée. Ces débats devaient précéder la révision de la loi de bioéthique prévue pour 2009 et être conduits sous l’autorité de l’Agence de la biomédecine. Mais aujourd’hui, à la consternation de la très grande majorité des professionnels, la ministre de la santé et des sports refuse d’honorer cette promesse.

En bonne logique européenne, ces questions devraient être discutées et réglementées de la même façon dans l’ensemble de l’Europe. La maladie n’y a pas de frontières. Les soins ne devraient pas en avoir non plus. De plus, il est anormal que les athées et agnostiques soient pénalisés du fait de croyances qu’ils ne partagent pas. S’il est sans doute encore impossible d’obtenir un consensus minimum sur les questions de bioéthique dans l’Europe des 27, il serait au moins souhaitable que les grands Etats européens, disposant de potentiels de recherche importants, puissent s’accorder après discussion sur des protocoles dont l’importance en termes scientifiques et thérapeutiques se révèle chaque jour davantage. 30/08/07


Accueillir la Wallonie en France

Je pense que beaucoup de Français seraient heureux et fiers de voir la Wallonie rejoindre la France, avec un statut particulier si besoin était - ceci au cas où l'actuel Royaume de Belgique éclaterait. Il faudrait que nos amis Wallons le sachent. 30/08/07


Croire au Diable n'est pas plus scientifique que croire en Dieu

On peut s'étonner de voir Le Monde 2 proposer sans aucun recul des extraits du nouveau roman de Norman Mailer, consacré à l'enfance d'Hitler "Un château en forêt". L'auteur, bien que faisant appel à des détails biographiques apparemment sérieux, pervertit son analyse en introduisant un envoyé de Satan qui guiderait le jeune Adolf dans la voie satanique, afin d'en faire le Mal incarné. C'est une offense grave aux historiens que prétendre expliquer des phénomènes relevant de la psychologie et de la sociologie par l'intervention du Diable. Si Mailer avait fait appel au doigt de Dieu pour justifier la chute finale de Hitler, tout le monde se serait moqué. Mais là, apparemment, les critiques, impressionnés se taisent. Satan serait-il plus crédible que Dieu? Norman Mailer est bien américain en cela. Pour lui l'explication du monde ne se conçoit pas sans appel au surnaturel. 30/08/07


Qui va succéder à l’Empire américain ?

Le Professeur Johan Galtung (né en 1930) est de nationalité norvégienne. Il a fondé et continue à co-diriger le réseau Transcend (Peace and Development Network for Conflict Transformation by Peaceful Means). Il a créé également le PRIO (International Peace Research Institute) basé à Oslo. Il est considéré comme un pionnier dans le domaine des recherches sur les conflits et sur les solutions contribuant à les prévenir. Parmi celles-ci, il privilégie l’utilisation de la presse qui selon lui reste un des média les mieux à même de sensibiliser les opinions. Pour lui, le terme de presse ne signifie pas seulement édition-papier, de diffusion nécessairement limitée et pérenne. Il inclut surtout la publication électronique. Les versions électroniques des grands journaux demeurent à son avis une des meilleures façons de contribuer à l’émergence d’une conscience internationale, à condition d’être en permanence analysées et critiqués dans le cadre, notamment, de lettres d’information elles-mêmes publiées sur le web. Nous ne pouvons qu’adopter ce point de vue, car c’est en grande partie par ce biais que dans cette petite newsletter, nous essayons de nous forger une opinion.

Nous présentons ici un résumé très synthétique d’une conférence prononcée en anglais par Johan Galtung, en introduction au Transcend International Meeting, les 6/12 juin 2007, à Vienne, en Autriche. Ce texte est publié par l’Information Clearing House, un site qui référencie quotidiennement un certain nombre d’articles qui ne font pas la une de la presse « mainstream », des articles qui comme l’affirme le responsable du site, Tom Feeley, ne se trouvent pas dans CNN et FoxNews. Cette revue de presse, fondé sur le bénévolat, se veut au service de trois valeurs, la paix, le développement et l’environnement.
Sans être nécessairement convaincu par l’ensemble des articles publiés, on trouvera là une source précieuse de réflexion. Encore faut-il lire l’anglais couramment, ce qui n’est malheureusement pas le cas de nombreuses personnes en France qui prétendent cependant se forger une opinion géostratégique pertinente.
* Information Clearing House http://www.informationclearinghouse.info/
* Transcend http://www.transcend.org/
* PRIO http://www.prio.no/

Le G8 détruit l’autorité de l’ONU

Cette organisation, qui prétend de plus en plus diriger le monde global, est un acte délibéré de sabotage à l’encontre de l’ONU. Bien que ne comprenant pas l’Inde et la Chine, il prétend traiter d’enjeux majeurs qui sont à l’ordre du jour de l’ONU, telles que les questions de sécurité et le réchauffement climatique. Il représente en fait l’axe USA-Otan-Japon dont le poids sera de plus en plus faible par rapport aux membres de la SCO (Shanghai Cooperation Organization)

Notre commentaire : La Russie fait désormais partie à la fois du G8 et de la SCO. Cela pourrait lui donner un pouvoir d’arbitrage important. Malheureusement, au dernier G8, elle a surtout subi les provocations américaines à propos du bouclier anti-missile que les Américains veulent installer en Europe. L’Europe en tant que telle n’a pas de présence politique, ni au G8 ni à la SCO. . Elle pourrait cependant demander à être observatrice dans cette dernière organisation. L’influence de l’Europe sur les questions d’intérêt mondiale ne s’exerce qu’à l’ONU, ce qui n’est sans doute pas suffisant.

Il faut concurrencer le capitalisme global

Les deux antidotes au capitalisme global qui se sont révélés efficaces jusqu’à présent sont le welfare state et le protectionnisme sélectif. Le micro-crédit n’est qu’une plaisanterie. Le Bangladesh et la Bolivie qui le pratiquent ne décolleront jamais. Le welfare state et le protectionnisme sélectif ont permis au contraire au Japon, à Taiwan, à la Corée du Sud, à Hong-kong, à Singapour, à la Malaisie d’enregistrer des développements exceptionnels. Le capitalisme global fait tout ce qu’il peut pour combattre ces deux solutions, par l’intermédiaire de la monétisation, de la privatisation et de l’ouverture des frontières. La monétisation signifie « attribuer un prix à tous les biens et services ». Ceux qui n’ont pas d’argent ne peuvent y accéder. Autrement dit au moins 1 milliard de personnes sont condamnées à mort. 125.000 personnes meurent chaque jour, 25.000 de faim et 100.000 de maladies qui auraient pu être prévenues.

Si l’on ne peut pas supprimer le capitalisme global, à tout le moins faut-il le rendre moins offensif, en lui opposant des alternatives. Ceci voudrait dire le mettre en concurrence avec plusieurs autres types d’économies, dont le welfare state, le protectionnisme sélectif, les services publics, l’économie associative, etc. Ce point sera développé par Johan Galtung dans un livre à paraître : A Life-Sustaining Economy. Il faudra réaliser une économie pluraliste, comme on le fera en matière d’énergie, où plusieurs sources d’énergie différentes devront être utilisées à la fois.

Notre commentaire : cette proposition est excellente. Elle devrait attirer l’attention des Européens, qui offrent eux aussi de bons exemples d’économies pluralistes. Les taux de croissance, en terme de consommation et surtout d’investissement, ne sont peut-être pas au rendez-vous. Mais l’Europe reste encore à ce jour protégée des grands maux de la monétarisation et de la financiarisation. Cela risque de n’être plus pour très longtemps malheureusement. Voir notre texte ci-dessous concernant la fusion Suez-GDF.

Le terrorisme contre le terrorisme d’Etat.

La communauté internationale dénombre volontiers les victimes du terrorisme mais oublie celle du terrorisme d’Etat, dont les interventions militaires des Etats-Unis sont aujourd’hui les principales responsables. On a compté, en conséquence des 73 interventions militaires américaines depuis la seconde guerre mondiale, entre 13 et 17 millions de victimes reconnues (overt) et sans doute 6 millions non-reconnues (covert). Les interventions américaines n’ont jamais été faites au service de buts humanitaires, mais pour le profit de leur système économique.

Notre commentaire : Les Etats-Unis ont porté à l’extrême un mode de comportement qui a toujours été le fait des grandes puissances dans l’histoire. Mais venant de l’hyper-puissance, les conséquences en sont bien plus visibles. Malheureusement, les Européens semblent considérer que les Etats-Unis ont un droit inaliénable à mettre leur force militaire au service du complexe militaro-industriel au pouvoir à Washington depuis les années cinquante. Nous reviendrons sur le complexe militaro-industriel américain dans un autre numéro.

L’Irak, triomphe de la guerre asymétrique

Pourquoi la coalition américaine ne gagne-t-elle pas la guerre en Irak ? Parce que l’ennemi auquel l’Amérique s’affronte est invincible. Il utilise des explosifs improvisés mais il a pour lui le temps et l’espace. C’est ce qui fait la force de la guerre du faible au fort dite aussi guerre asymétrique.
Le temps ? La notion de capitulation n’existe pas pour le faible. Il peut attendre indéfiniment. Dans une autre guerre de ce genre, les Serbes ont combattu les Ottomans pendant 500 ans. Les Islamistes ne sont pas davantage pressés. Au contraire les Américains ont voulu vaincre en 5 mois.
L’espace ? Il est fonction du nombre des Etats qui se reconnaissent dans l’OIC, l’Organisation de la Conférence Islamique, soit 56 Etats auxquels s’ajoutent 160 millions de musulmans en Inde. Les frontières de ces Etats avec l’Ouest n’ont pas de sens pour l’Islam. Elles marquent seulement les espaces à conquérir ou reconquérir ultérieurement. On compte ainsi 1.350.000.000 musulmans, dont 300.000 seulement sont des Arabes. Les Américains ont tenté d’exploiter cette ligne de fracture, mais rien ne prouve qu’elle puisse affaiblir l’adversaire potentiel, contrairement aux espoirs nourris à Harvard.

Disposant du temps et de l’espace, on dispose aussi de ressources considérables. Mais faut-il parler de "Clash des civilisations" comme l’a fait Samuel Huntington? En fait, ce dernier, si l’on relit son livre, n’a pas parlé de conflits entre civilisations fondées sur des religions différentes. Il visait des conflits entre intérêts économiques, militaires, politiques. Washington l’a bien compris qui sous couvert de défense de civilisation a mis la main sur les puits de pétrole et établi 14 bases militaires au Moyen Orient. Il faut réactiver le concept d’impérialisme, car il est global. C’est la raison pour laquelle il est mal vu à Washington. La guerre des civilisations est en fait une guerre des riches élites contre les pauvres du monde. Ceux-ci ne seront jamais battus. C’est vrai en Irak et le sera aussi en Afghanistan (laquelle rappelons-le, a combattu avec succès ses envahisseurs occidentaux depuis un siècle et demi).

Pourquoi un grand pays comme l’Amérique ne comprend-il pas ces évidences ? Pourquoi est-il à ce point ignorant de l’histoire ? Ce n’est pas uniquement de la faute de Bush ni même des Républicains. L’Empire américain repose sur des structures et une culture fortes. Républicains comme Démocrates se retrouvent dans la croyance dans la possibilité de choix volontaristes, dans la vision d’une gloire passée et présente. Ils sont Dualistes, Manichéens, ils comptent sur Armageddon pour les libérer du mal. Les deux partis ont voté pour le « Surge » et soutiendraient sans doute une extension de la guerre. Certes 50% des inscrits n’ont pas voté. Mais que pensent-ils ? Offriraient-ils des solutions s’ils se décidaient à s’exprimer ? Peut-être ?

En attendant, selon les informations disponibles, les plans d’attaque de l’Iran auraient identifié 100.000 cibles. Certaines concerneraient les installations nucléaires et militaires, mais les autres l’ensemble des infrastructures économiques, qui sont elles-mêmes très liées aux espaces urbains. La société iranienne serait détruite, mais sans doute pas sa volonté de combattre. On observerait dans les jours suivants le déclanchement de bombes « sales » télécommandées sur le territoire occidental, à commencer par Israël. Point ne serait besoin de missiles pour cela.

Notre commentaire: S’il était exact que les Etats islamiques étaient engagés dans une guerre séculaire avec l’Occident, Amérique et Europe comprise, ceci dessinerait un avenir certainement inquiétant. Mais est-ce exact ? Si en Occident comme en Orient, des hommes raisonnables ne laissaient pas les extrémismes religieux, musulmans ou chrétiens, prendre le pas, si par ailleurs, en Occident, on renonçait à la course impérialiste au pouvoir économique, peut-être qu’à terme des cohabitations pacifiques pourraient-elles être envisagées ? L’Europe serait en tous cas bien mieux que l’Amérique capable de mener une telle politique.

Dans notre prochain numéro, nous examinerons la suite de l’article de Johan Galtung, notamment les raisons qui selon lui condamnent l’Empire américain à la décadence. Nous verrons également pourquoi il pense que l’Europe pourrait lui succéder. 30/08/07


Le naufrage du Sokalique

Le naufrage du crabier caseyeur Sokalique abordé par un porte-conteneurs immatriculé sous pavillon de complaisance rappelle que l’Europe n’a pratiquement rien fait depuis 5 ans pour améliorer la maîtrise de son espace maritime.La présence du président de la République aux obsèques du patron du Sokalique, mort héroîquement à sa passerelle pour signaler jusqu'à la dernière minutes au Cross la position du caseyeur, symbolisait l'hommage de la nation toute entière. Mais ce geste parfaitement justifiée ne suffira pas, non plus que le jugement en France (s’il se fait) de l’équipage abordeur. L’état de carence actuel devient de plus en plus insupportable. La mer montre l’odieux visage d’un capitalisme anonyme, fraudeur, jouisseur et finalement criminel.

La sécurité des pêcheurs n’est pas seule en cause, mais aussi celle de tous les humains et de tous les êtres vivants dont le sort dépend de celui de la mer. Pour reprendre les termes d’un Livre Vert publié récemment par l’Union Européenne, dont nous avons rendu compte en son temps, il faudrait faire triompher une vision mondiale des océans et des mers. Dans le cadre de celle-ci, les domaines prioritaires concernent la sécurité active et passive du transport maritime, l’éradication des comportements pollueurs (rejets, dégazage, pollutions terrestres, etc.), la conservation effective, avec contrôles et sanctions efficaces, des populations halieutiques et plus généralement du milieu marin et sous-marin.

La difficulté, qui n’est pas un hasard mais qui est voulue par l’ensemble des intérêts profitant de l’absence de régulation des activités maritimes, tient à la multiplicité des acteurs, à leur refus de règles communes, aux appuis qu’ils trouvent auprès de la plupart des Etats, développés ou non. La destruction du milieu océanique, dont toute l’humanité, dont toute la biosphère, commencent déjà à ressentir les effets désastreux, devrait être une préoccupation prioritaire de la « communauté internationale », représentée par ses instances politiques les plus élevées. Ce n’est évidemment pas le cas. Au nom de la liberté d’exploitation, les mesures les plus élémentaires de protection sont refusées. Il s’agit d’un véritable scandale dont peu de gens s’inquiètent, tellement le poids des intérêts immédiats l’emporte sur les préoccupations du long terme.

L’Europe, qui est à un carrefour stratégique de transit, devrait jouer un rôle moteur en vue d’imposer des règles mondiales plus contraignantes. Mais sous la pression de ses propres groupes de pression vivant de la surexploitation de la mer, elle ne le fait pas. Nous aimerions que le président de la République, s’il veut vraiment que le naufrage du Sokalique serve de leçon, s’attaque au nom de la France à ce grand dossier, quitte à mécontenter les Etats-membres qui profitent abusivement du laxisme actuel. 30/08/07

Le Livre vert européen http://ec.europa.eu/maritimeaffairs/pdf/com_2006_0275_fr_part2.pdf

Sur la considération qu'avait Nicolas Sarkozy pour le Cross Corsen, avant les élections, voir Yasmina Reza dans "L’Aube la nuit et le jour". L’auteure y rapporte une déclaration off du candidat UMP dans l’entre-deux-tours (cité par Agoravox).

« Qu’est-ce qu’on va foutre dans un centre opérationnel sinistre à regarder un radar ? Qui a eu cette idée de demeuré ?... Je me fous des Bretons. Je vais être au milieu de dix connards en train de regarder une carte ! (...) Derniers jours de campagne dans une salle à voir une carte ! Grand sens politique vraiment !... »


Sauvegarder les atouts énergétiques de l'Europe face à la finance internationale

Derrière le projet de fusion Suez-GDF.
Pour résister aux fonds dits souverains, aux fonds spéculatifs et aux fonds d'investissement non européens, l'Europe devra mettre en oeuvre de véritables politiques industrielles. La production, la distribution et la consommation de l'énergie constituent à cet égard un domaine prioritaire. Souhaitons que la France ne gaspille pas ses atouts en les fragilisant par des libéralisations intempestives. Ce serait l'Europe toute entière qui en souffrirait.

Le patron de Suez, Gérard Mestrallet, aurait demandé au président de la République qu'il se prononce rapidement sur le projet de fusion Suez-GDF. Mais on sait que cette fusion, pour des raisons d'équilibre que nous ne détaillerons pas ici, supposerait des partenaires qu'ils consentissent à des sacrifices difficilement envisageables. GDF y perdrait la participation publique majoritaire qui assure son indépendance, puisque la part de l'Etat dans le nouvel ensemble serait inférieure à 34% et n'assurerait pas la minorité de blocage. En contrepartie, Suez devrait céder son pôle Environnement, qui représente pour elle un atout certain dans la perspective de la crise climatique. L'Elysée a fait savoir qu'il ne donnerait pas de réponse avant septembre, compte-tenu de la « complexité » de la négociation en cours. On sait que Nicolas Sarkozy n'avait jamais été un chaud partisan de cette opération.

Nous pensons pour notre part que celle-ci s'impose de moins en moins. Elle devrait être repoussée, non pas sous l'angle d'un patriotisme industriel étroit, mais du simple bon sens : celui de la protection des intérêts vitaux de la France, et avec les siens ceux de l'Europe, face à la marée montante des fonds d'investissements non européens. Loin de diminuer la participation des Etats dans les grandes entreprises européennes, publiques ou privées, il faudrait au contraire les augmenter pour sécuriser leur capital et leur permettre d'investir à long terme face aux prédateurs.

Un article du Monde (F. Lemaître, Ces Etats qui rachètent la planète, 29 août 2007, p. 2) estime que désormais la globalisation ne rimera plus avec privatisation, mais avec nationalisation. Malheureusement il s'agira de nationalisations mises en œuvre par les Etats (non membres de l'Union Européenne) qui bénéficient des immenses liquidités dues à la vente de leurs ressources énergétiques ou à leurs réserves de change. Il s'agit de fonds publics, dits souverains, qui gèrent aujourd'hui près de 2.500 milliards de dollars, en attendant de gérer 12.500 milliards en 2015. On y trouve des fonds originaires de Dubaï, de Russie et surtout de Chine. Ceux-ci étaient jusqu'ici restés modestes dans leurs ambitions, mais la gourmandise leur vient rapidement. Avec 300 milliards par an, la Chine pourrait s'offrir en 5 ans la totalité des entreprises du CAC 40.

A côté de ces fonds publics, on connaît depuis longtemps les fonds privés, fonds spéculatifs (hedge funds) et fonds d'investissement, dont le rôle est doublement à craindre par les Européens. D'une part on sait qu'ils dissimulent souvent des intérêts géostratégiques américains qui veulent acquérir toutes les industries elles-mêmes stratégiques dont disposent encore l'Europe D'autre part, quand ils cherchent seulement le profit, c'est un profit immédiat, ennemi de toute entreprise visant à investir à long terme. La Bourse, comme le montre un autre article du Monde (J.B. Schmidt, La Bourse trahit les entreprises, 21 août 2007, p. 14), ne joue plus son rôle ancien visant à collecter de l'épargne à court terme pour permettre d'investir dans des projets à long terme. Les entreprises du CAC 40, par exemple, lèvent désormais moins de capitaux qu'elles ne distribuent de profits à leurs actionnaires. Ceci parce que l'investissement à long terme n'intéresse plus les fonds spéculatifs et les LBO. Ils imposent leur recherche du profit le plus immédiat, par fusions, acquisitions, démantèlements, distribution rapide des actifs via des super-dividendes et des rachats d'action. Le tout aux dépends des entreprises industrielles traditionnelles, de l'emploi et généralement de la compétence pour la maîtrise du futur. Le capital-risque, déjà trop rare en Europe depuis 20 ans, semble y être devenu totalement folklorique.

Est-ce que l'Europe veut devenir un désert industriel et technologique, où seuls s'enrichiront – en attendant une crise boursière inévitable – les seuls actionnaires privilégiés et les intermédiaires financiers? Sans doute pas. Après la France, l'Allemagne, à l'initiative de sa chancelière, rappelle les bienfaits du patriotisme industriel. D'autres Etats pourraient suivre. Les investissements publics et un protectionnisme sélectif s'imposeront pour ce faire, en coopération avec ceux des capitaux privés qui accepteront de s'intéresser au long terme. Mais il faudra que cette démarche devienne convaincante. Pour cela, elle devra s'exprimer au niveau européen. Il paraîtrait que le commissaire au Commerce Peter Mandelson envisagerait de créer une golden share européenne. Cela ne suffira pas. Ce seront de véritables politiques industrielles qu'il faudra mettre en oeuvre. La production, la distribution et la consommation de l'énergie constituent à cet égard une priorité. Souhaitons que la France ne gaspille pas ses atouts en les fragilisant par des libéralisations intempestives. L'Etat pourrait au contraire fusionner GDF et EDF, voire racheter lui-même Suez. Ce serait l'Europe toute entière qui en bénéficierait. 30/08/07


La FAO doit se réformer, et l’Europe doit l’y aider

Dans un rapport publié sur le site de la FAO, Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, basée à Rome, six experts mandatés par l’Organisation ont évalué son fonctionnement. L’effort de transparence doit être salué, provenant d’une organisation internationale. Les experts, dirigés par le norvégien Leif Christoffersen, décrivent une structure au bord du gouffre, à la situation financière désastreuse et travaillant avec un personnel découragé. Sa mission initiale, garantir la sécurité alimentaire pour tous, est toujours d’actualité, mais représente un objectif toujours aussi lointain. Près d’un milliard de personnes sont sous-alimentés ou même meurent véritablement de faim et de maladies de carence. Elle avait prôné initialement une agriculture productiviste, soutenue par les grands industriels de la mécanisation, de la chimie et de l’agro-alimentaire. Derrière ces derniers se trouvaient les Etats subventionnant leurs producteurs au mépris des agriculteurs traditionnels.

La FAO n’avait cependant pas prévu l’arrivée des OGM, ni de l’agriculture biologique ni des agrocarburants. Elle a donc pris des positions désordonnées, tantôt approuvant tantôt condamnant, ce qui l’a brouillé aussi bien avec les ONG tiers-mondistes qu’avec les Etats soutenant les intérêts agro-industriels. Cela ne veut pas dire que ses rapports étaient tous irrecevables. Au contraire. La grande majorité de ceux figurant sur on site sont riches en enseignements. Malheureusement, ils n’ont guère et été pris au sérieux par les gouvernements. En mai 2007, la FAO avait pris parti pour l’agriculture biologique, dans un document remarqué que nous avions signalé. Elle y expliquait que l’agriculture biologique pouvait nourrir toute la population mondiale, fournir de l’emploi à des millions de personnes sans pour autant coûter, globalement, plus cher à l’économie mondiale et aux écosystèmes que ne coûtent l’agriculture intensive et son faux-nez, l’agriculture dite « raisonnée ».

Les experts ont fait des propositions visant à alléger la bureaucratie de l’Organisation. Ils ont formulé 110 recommandations destinées à permettre une meilleure efficacité. Le directeur général Jacques Diouf a promis d’étudier le rapport et y réponde de façon exhaustive en novembre 2007, au vu de la version finale.

Nous pensons que deux grands groupes de gouvernements devraient s’impliquer directement dans la réforme de la FAO, non pas pour la seule défense des agriculteurs qu’ils représentent mais pour le bien de l’humanité en général. Ce devrait être les Etats africains, qui seront les premières victimes d’une détérioration continue des conditions climatiques et environnementales s’ils n’effectuent pas un retour énergique aux agricultures traditionnelles modernisées par les techniques de l’agriculture biologique. Mais ce devrait être aussi les Etats-membres de l’Union Européenne. Celle-ci est à la recherche d’une redéfinition de sa politique agricole commune. L’agriculture représente pour elle un enjeu important. Encore faut-il la défendre autrement que sous la pression des agriculteurs productivistes, grands gaspilleurs de produits chimiques et de ressources hydriques comme grands consommateurs de subventions. La politique agricole commune devrait se réorganiser autour de l’agriculture biologique et de circuits commerciaux appropriés. C’est le moment ou jamais d’y réfléchir en visant plus large que les seuls intérêts européens. 30/08/07

FAO : The Challenge of Renewal Draft Report http://www.fao.org/unfao/bodies/IEE-Working-Draft-Report/K0489E.pdf


Jouets de la honte ou « mondialisation » ordinaire ?

On sait que le 14 août, le fabricant américain Mattel a rappelé plus de 18 millions de jouets fabriqués en Chine, qui s’ajoutent au million et demi rappelé ces dernières semaines. Seule réaction officielle en Chine, un bref communiqué de l’administration du contrôle de la qualité : «Nos exportations sont, dans leur immense majorité, aux normes américaines.» Les autorités chinoises déclarent que les entreprises américaines doivent partager les responsabilités.

Les autorités chinoises n’ont pas tout à fait tort. En Occident, notamment en France, on a parlé de « Jouets de la honte ». Soit, mais honte pour qui ? Faut-il rappeler que l’affaire Mattel illustre le processus de ce que l’on appelle la mondialisation et qui n’est que l’exploitation banale par les firmes occidentales des conditions de travail qu’acceptent les travailleurs asiatiques. La firme occidentale, géante dans son secteur, définit des cahiers des charges stricts pour la fabrication des biens de consommation qu’elle va acheter en Asie. Ces cahiers des charges comportent des clauses de prix imposant au producteur local des compressions de coûts dans tous les domaines, à la limite du supportable sur le plan humain. La qualité des produits peut s’en ressentir, d’autant plus que les contrôles du donneur d’ordre ne sont pas toujours aussi rigoureux qu’il le prétend.

Dans le cas des jouets Mattel, qui se retrouve dans de nombreux autres secteurs, Mattel achète très peu cher les produits chinois. Mais il les revend sur les marchés occidentaux à des prix « normaux », ce qui lui assure des marges plus que confortables. A quoi lui servent ces marges ? Non pas à investir en Occident pour développer de nouveaux processus (le jouet de demain ?), mais à rémunérer des actionnaires. Ceux-ci en font on ne sait quel usage spéculatif. Mais ils ne s’aventurent pas non plus à financer des investissements de long terme en Occident. C’est pourquoi celui-ci se désindustrialise (en dehors des domaines stratégiques ou, du moins aux Etats-Unis, le gouvernement interdit de telles opérations).

Les producteurs asiatiques seront gagnants plus vite que l’on ne croit, puisque progressivement, grâce à l’argent des consommateurs occidentaux, même s’ils n’en perçoivent qu’une faible part, ils finiront par se doter de processus industriels compétitifs qui n’auront plus besoin des marchés occidentaux pour se rentabiliser. C’est ce que, à propos d’un exemple différent, nous avons expliqué dans un article précédent (Emprunter pour consommer sans produire, maladie chronique des économies libérales occidentales
http://www.admiroutes.asso.fr/lagazette/07-16508/index.html ).16/08/07


Publié dans gazetadmiroutes

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E
Ce n'est pas beaucoup plus de travail que de scinder chaque numéro en autant de "billets" que d'articles séparés. C'est simplement un travail plus régulier (mais vous pouvez programmer en une fois la publication de plusieurs billets avec des dates différentes, permettant une publication régulière appréciée des lecteurs).et les commentaires seront beaucoup plus nombreux !
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S
Concernant le nombre d\\\'arabes parmi les musulmans dans l\\\'article "l\\\'Irak..." il me semble sous estimé de trois zéros. Merci encore pour ce bulletin, que je suis toujours pressé de découvrir, tant il permet de rester conscient et ouvert , pour le progrès et pour la vie...
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