Gazette d'Admiroutes N° 157 en date du 28/02/07

Publié le par Jean-Paul Baquiast

 

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* Les experts du climat doivent signaler les risques dépassant la moyenne http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2007/79/edito.htm

L'irresponsabilité Littuanienne

L'article ci-dessous, La crise des euro-missiles2, évoque la déstabilisation de l'Union européenne qui résulte des efforts continuels des Etats-Unis pour enrégimenter dans leur conflit latent avec la Russie les pays de l'Est européens, nouveaux entrants dans l'Union. Mais ceux-ci y mettent du leur. Manifestement, ils ne sont entrés dans l'Union que pour détourner son fonctionnement normal au profit de leurs intérêts particuliers: bénéficier du parapluie de l'Otan (alors que personne en fait ne les menace plus) et plus généralement se donner les moyens de procéder à des chantages sur les pays voisins, notamment la Russie. Aujourd'hui, on voit la Littuanie, après la Pologne, se livrer à des agressions non seulement inutiles mais dangereuses contre la Russie, à propos de l'énergie. L'Union européenne toute entière voit ainsi ses relations actuelles et futures avec la Russie se dégrader, pour le bénéfice de nouveaux membres mineurs, qui ne consultent personnes et qui se croient autorisés à se comporter en super-puissance alors que sans l'Union ils ne seraient rien.

Evidemment, si l'Union ne dit rien, c'est parce que l'influence américaine, relayée par la Grande Bretagne, y demeure très forte. L'Allemagne et la France, qui auraient intérêt à conserver de bonnes relations de coopération, notamment industrielles, avec la Russie, semblent réduites au silence. Or c'est peut-être une crise d'identité profonde de l'Europe qui se prépare. Si celle-ci renonce à se comporter comme une puissance responsable, en coordonnant les divagations diplomatiques de ses membres et en s'opposant plus fermement aux emprises de l'américanisme, on ne donnera pas cher de son avenir. 26/02/07


La crise des euro-missiles2

Si l'on en croit les citations et commentaires généralement avisés de notre ami de Dedefensa, à qui nous empruntons ce terme d'euro-missiles2, http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=3739, les buts que poursuivent les Etats-Unis en prétendant installer des bases d'anti-missiles en Europe sont beaucoup plus dangereux pour la paix mondiale qu'initialement prévus. On considérait jusqu'à présent que sous couvert de protection contre des missiles balistiques venus d'Iran ou d'un autre pays de l'axe du mal, cette immixion américaine sur le territoire européen avait principalement pour but de faire éclater l'Union européenne en deux camps, ceux qui défendent l'alliance atlantique sur fond de soumission à l'Amérique (qu'en pense Romano Prodi ce jour?) et ceux qui ont le front de vouloir s'en émanciper. Mais la politique américaine, selon ces commentaires, viserait un tout autre but. Il s'agirait de rendre possible une première frappe contre la Russie et la Chine. Comment, direz-vous? Avec ces missiles anti-missiles? Certainement pas. La frappe aurait lieu avec les missiles balistiques à tête nucléaire dont les Américians sont dotés en abondance. Les anti-missiles serviraient seulement à incapaciter une riposte venant d'une Russie au trois quarts détruite, mais capable encore d'envoyer quelques vieux engins en "retaliation". Ces engins n'iraient pas loin.

On conçoit que si la stratégie américaine était telle, la Russie ne resterait pas les mains dans les poches. Elle va relancer de son côté la course aux armements et ce sera l'Europe qui, la première, sera sous le feu de la riposte russe. C'est bien ce que l'Allemagne commence à craindre. Décidément, séparer définitivement l'Europe de l'Amérique, face aux irresponsables de Washington, parait la seule solution de sagesse. S'en avise-t-on en France? 22/02/07


Démocratisation en Chine

On considère parfois en Occident qu’une faiblesse quasi congénitale de la Chine consiste en la coexistence d’une population de 200 à 300 millions de citoyens dynamiques, répartis dans les provinces maritimes du sud-est, et de plus de 600 millions de paysans archaïques, en proie à tous les maux du sous-développement, aggravés par la crise climatique. On en déduit que le manque de démocratie à l’occidentale ne donnant pas à ces masses la possibilité de s’exprimer, il s’ensuivra prochainement de véritables révolutions de la misère, qui ébranleront l’Empire dans ses profondeurs. Autrement dit, ce qui reste d’autocratie et de dictature en Chine ne l’aidera pas à se moderniser.

Mais ce n’est pas le point de vue de certains des porte-parole de l’autocratie dirigeante, qui n’est pas aussi stupide que les Occidentaux le pensent. Pour eux, l’introduction d’une démocratie à l’européenne provoquerait des revendications de consommation qui seraient insupportables. 600 millions de Chinois ne peuvent pas prétendre acheter des voitures, se loger et vivre sur le modèle occidental. Il faut donc pendant au moins une décennie, dans le cadre d’un dirigisme éclairé très ferme, mettre en place les bases d’une société produisant et consommant autrement, c’est-à-dire faisant appel à des processus et des technologies écologiquement supportables. Plusieurs centaines de millions de citoyens en supporteront le coût, pendant peut-être une à deux générations, mais ce sera le prix à payer pour qu’une Chine adaptée au monde de demain, qui sera un monde de la rareté, puisse voir le jour. Cette stratégie n’est évidemment possible que dans une société où la vie des pauvres n’a guère de valeur, du moins pour le moment.

Qu'en est-il de l'Inde à cet égard? Un ami franco-asiatique nous a indiqué que la démocratisation croissante sur le mode occidentale qui se développe dans ce pays inquiète beaucoup de dirigeants. Il ne sera plus possible d’obtenir de représentants élus les mesures très dures qui seraient nécessaires pour moderniser en profondeur l’économie indienne, afin notamment de lui permettre de faire face à la crise climatique. L'excès de démocratie formelle, s'il conduit à la démagogie, constituera aussi un des grands problèmes des pays européens.


A qui profitent les super-profits des firmes françaises?

Les médias célèbrent actuellement les "super-profits" qu'affichent beaucoup d'entreprises du Cac 40, dont quelques-unes sont françaises. La gauche au contraire s'en indigne et voudrait les imposer beaucoup plus sévèrement. Pour juger sainement, il faudrait savoir à quoi servent ces profits. S'ils étaient réinvestis immédiatement par les entreprises ou si, via l'épargne des actionnaires, ils étaient réinvestis indirectement dans les secteurs productifs, ces profits seraient excellents. Mais s'ils vont alimenter des actionnaires qui n'ont qu'un objectif, les consacrer à des dépenses de consommation-gaspillage ou, ce qui n'est pas mieux, les investir chez des concurrents des entreprises européennes, nous ne pourrions pas nous en réjouir. Or comme les fonds d'investissement et de pensions qui récupèrent ces bénéfices sont étrangers, pour la plupart de nationalité américaine, plus les entreprises du Cac font de bénéfices non réinvestis, c'est-à-dire distribués - plus elles aggravent à terme leur situation. 22/01/07


Le combat du cœur et du portefeuille

J’ai évidemment passé l’âge des enthousiasmes juvéniles. Je ne peux cependant m’empêcher de réagir en sympathie avec les foules de militants qui soutiennent Ségolène dans ses meetings. La belle histoire de la gazelle ayant « bouffé » du lion ne peut que nous émouvoir tous. En face de cela, le projet droitier de NS apparaît de plus en plus sinistre. Dans son interview du 21 février, il bat le rappel de sa clientèle de droite : baisse des impôts, heures supplémentaires, service garanti dans les services publics… Voilà bien de quoi faire chaud à l’âme. Ce sera de plus en plus le combat du cœur et du portefeuille – et encore, du portefeuille dans ce qu’il a de plus égoïste. 21/02/07


L’appel de Cohn-Bendit

Sur France Inter le 21 février, Cohn-Bendit, co-président du parti des Verts au parlement européen, appelle à un rapprochement entre le PS représenté par Ségolène Royal (et non par ses éléments les plus archaïques), Dominique Voynet et François Bayrou, l’homme qui monte. Son idée, qui me parait plutôt bonne, est que Bayrou ne réussira sans doute pas à figurer au premier tour. Il devrait donc dès maintenant montrer qu’il serait prêt à jouer tout son rôle dans une union de gouvernement centre gauche-gauche-Verts. Mais pour cela, Bayrou doit convaincre qu’il ne ralliera pas la droite s’il échoue et que son projet est vraiment novateur, dans le sens indiqué ci-dessus. Le discours de Cohn-Bendit s’adresse aussi aux socialistes. Il faudrait dans les semaines qui viennent éviter d’ostraciser Bayrou ou Voynet mais montrer qu’ils auront toute leur place dans un programme de gouvernement centré (notamment) sur la lutte contre le dérèglement climatique et environnemental. Pour le moment, évidemment, Bayrou se refuse à envisager qu'il ne puisse pas figurer au 2e tour. Tactiquement, on le comprend. 21/02/07


Fraude fiscale et effectifs des vérificateurs

Le montant de la fraude fiscale, sous toutes ses formes, atteint 1,7 % à 2,3 % du produit intérieur brut, selon des chiffres tirés d'un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (un organe de la Cour des comptes) à paraître le 1er mars. Pour le Syndicat unifié des impôts, la perte serait de 40 à 50 milliards, hors cotisations sociales. Même si toutes ces fraudes ne sont pas évitables par un renforcement des contrôles, l’amélioration de ceux-ci permettrait de trouver certains des milliards que les candidats à la présidentielle française recherchent pour réformer la France. Mais quand on veut supprimer un poste sur deux parmi les départs à la retraite, ce n’est pas ainsi que l’on renforcera les brigades de vérifications ni qu’on les rendra plus intelligentes.
La question présente évidemment un aspect européen majeur. Tant que les taxes ne seront pas harmonisées, les fraudes seront facilitées. Mais on peut néanmoins contrôler les fraudeurs, avec des personnels et des systèmes informatiques adéquats (voit la TVA intracommunautaire).


Huchon doit démissionner

Jean-Paul Huchon ne rend pas service à la gauche en se cramponnant à son poste de président de région. Même si l’appel est suspensif et lui laisse le droit de rester, il n’est plus, pour le moment, politiquement crédible. Concrètement, si Ségolène Royal envisageait de faire un meeting en Ile de France avec Huchon à ses côtés, on imagine les critiques de la droite. Faudrait-il alors interdire l' Ile de France à Ségolène? 21/02/07


Une vraie réforme de la constitution

Guy Carcassonne, professeur de droit constitutionnel, a expliqué de façon très convaincante sur France Culture le 19/02 que la seule vraie réforme de la constitution qui s'impose en France est la suppression du cumul des mandats pour les députés. Ainsi ceux-ci, libérés du souci d'un mandat local, pourraient se consacrer entièrement au contrôle de l'exécutif et à des questions de grand intérêt général examinées en commissions parlementaires. Rien de cela ne peut se faire en France. De plus, les élus locaux qui souhaiteraient poursuivre une carrière politique pourraient alors faire acte de candidature au Sénat, où ils apporteraient leurs compétences sans compromettre le fonctionnement de la Haute Assemblée. Une réforme soft du Sénat s'ensuivrait donc. Guy Carcassonne propose une autre mesure, moins spectaculaire mais importante. il s'agirait d'offrir aux parlementaires provenant de l'entreprise et ne souhaitant ou ne pouvant pas y retourner une carrière de type Inspection Générale rémunérée par le budget public. Ainsi, la surreprésentation des fonctionnaires publics dans les assemblées pourrait-elle décroître.

L'argument selon lequel un bon député doit connaître le local et donc être élu local n'est que de facade. Il sert seulement à préserver les intérêts de ceux qui, comme Nicolas Sarkozy et beaucoup d'autres, ont toujours bénéficié du cumul pour se construire une carrière personnelle. Ségolène Royal est la seule à proposer la suppression du cumul. Bayrou l'évoque, mais plus mollement. Ce devrait être une raison pour ceux qui veulent vraiment réformer les institutions de voter pour SR. 17/02/07


Tous métissés?

François Héran, directeur général de l'Institut National des études démographiques (http://www.ined.fr/), explique dans un livre qu'il faut lire (Le temps des immigrés, Seuil/La République des idées) tout ce qu'il faudrait savoir pour ne pas dire de bêtises à propos de l'immigration. L'Europe, et la France en particulier, doivent absolument composer avec un phénomène aussi irrésistible que...disons, le réchauffement climatique. Il propose un certain nombre de solutions permettant d'amortir le choc, si choc il y a. Les électeurs de Le Pen eux-mêmes devront se résoudre à ce que, comme le prévoit l'auteur et vu le différentiel de fertilité entre immigrés et autochtones, l'Europe entière (France comprise évidemment) devienne métissée visible, c'est-à-dire fortement et uniformément colorée, d'ici quelques décennies. Les Isréaliens non arabes auront le même problème, à plus petite échelle, avec les Palestiniens. 18/02/07


Sondage aux Etats-Unis

Le dernier sondage du Pew Research Center for the People & the Press, réalisé les 7/11 février parmi 1.509 personnes, mesure la dégradation de l'opinion des Américains concernant les chances de gagner la guerre en Irak, l'état de santé du pays et ...après de nombreuses autres questions dont il convient de méditer les réponses, la façon de qualifier G.W. Bush par un seul adjectif, dont on trouvera la synthèse ci-contre. Les Américains semblent maintenant de plus en plus conscients de la perte de crédibilité et de puissance de leur pays. Mais apparemment ils ne voient pas par quelles voies et sous la férule de qui réagir. http://people-press.org/reports/print.php3?PageID=1117

Beaucoup parmi les atlantistes français ou européens commencent à expliquer que si, effectivement, l'Amérique n'a pas donné le bon exemple jusqu'à présent, du fait de son unilatéralisme (mot qui remplace progressivement celui d'impérialisme), les choses changeraient actuellement. L'Amérique redeviendrait "gentille" après avoir été "méchante". Elle serait de nouveau fréquentable par les Européens. Il ne faudrait donc pas décourager son retour à la gentillesse en ayant pour elle des mots trop durs. Ce n'est pas notre opinion. Atlantistes un jour. Atlantistes toujours. Nous pensons pour notre part que l'Amérique, gentille ou méchante, constitue toujours le plus grand obstacle à la construction d'une Europe indépendante et souveraine. Tous les Démocrates du Congrès n'y changeront rien. L'Europe donc cesser de vouloir continuer à vivre sous son ombre (c'est-à-dire par exemple comme viennent apparemment de le décider les Polonais après les Tchèques, sous l'ombre d'un système anti-missiles dont le seul intérêt stratégique est de rappeler aux Européens qu'ils restent encore des vassaux. 18/02/07


La France, puissance souveraine

Notre ami Philippe Grasset se félicite (http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=3723) du fait que le jugement prématuré de Ségolène Royal concernant l'inutilité d'un 2e porte-avion ait soulevé de nombreuses mises au point, y compris au parti socialiste. Selon Les Echos, "Les spécialistes de la défense au PS, le délégué national du PS à la défense, Louis Gautier, et la députée PS du Finistère Patricia Adam ont réajusté vendredi la position de Ségolène Royal" . Pour Philippe Grasset, la France serait le seul pays au monde où un tel sujet soulèverait tellement d'intérêt passionné. Si tout le monde parait y vouloir le 2e PA, il y voit un héritage encore bien vivant du Gaullisme, qui "fait toujours pencher vers l’argument de l’indépendance et d’une défense forte". "Le débat politique sur un tel sujet reconduit toujours aux concepts associés à celui de puissance: l’autonomie, la souveraineté, la légitimité" .

.Les Français auraient bien voulu, et ne désespèrent pas, que cette idée de la puissance soit adoptée et transposée au plan de l'Union par nos partenaires européens. Mais à défaut, ils ne veulent pas l'abandonner pour ce qui les concerne, dussent-ils se serrer la ceinture dans d'autres domaines. Je suis d'ailleurs de ceux qui estiment qu'un PA joue un aussi grand rôle dans l'éducation populaire et la cohésion sociale, par l'image qu'il donne, qu'une énième réforme de l'éducation 1). Les deux d'ailleurs ne s'excluent pas. On peut penser comme Philippe Grasset qu'il s'agit là d'un trait bien particulier qui distingue et honore notre nation, à droite comme à gauche. Il serait bon de ne pas l'oublier, car bien des sursauts pourraient en découler, n'en déplaise aux déclinistes. 18/02/07

1) voir photo ci-dessous, dont la puissance symbolique (mémétique) n'échappera pas.


La question du chiffrage des propositions des candidats

Je reviens sur la question de savoir si les candidats aux élections présidentielles et leurs partis doivent s’évertuer à chiffrer le coût que représentera leur programme de réformes. J’avais avancé précédemment que cet exercice n’avait guère de sens, sauf à raisonner par très grosses sommes. Les candidats, surtout s’ils visent à provoquer de véritables ruptures, n’ont donc pas intérêt à se laisser enfermer dans des calculs nécessairement biaisés. Ces calculs s’appuient sur les données actuelles et postulent dans l’ensemble que les perspectives pouvant en être tirées ne changeront pas en 5 ans (rebus sic stantibus, comme on dit élégamment). Que peut-on reprocher à de tels calculs? Ceci, entre autres:

- Traiter tout ce qui est investissement susceptible de créer de la compétitivité et des emplois comme s’il s’agissait de dépenses de fonctionnement des collectivités publiques : financement de la recherche, financement des universités, financement de l’innovation industrielle (par les Agences), aide aux grands équipements structurants (notamment ferroviaire et maritime), financement des politiques de souveraineté (notamment le militaire et le spatial, dont les retombées sont nécessairement duales), etc. Ces dépenses devraient être mises hors budget courant et être inscrites dans des fonds bénéficiant d’avances de l’Etat remboursables sur 10 à 20 ans. Ou bien elles sont engagées de façon stupide, et elles ne rapporteront rien. Ou bien elles seront bien conçues et bien suivies, et elles se rembourseront d’elles-mêmes en quelques années. Il faut donc trouver un mécanisme de financement susceptible d’étaler le retour sur investissement. Dans les propositions actuelles des candidats, ces dépenses sont trop sous-évaluées et devraient être augmentées.

- Faire l’hypothèse que si la France engageait de grandes politiques « de puissance » telles qu’esquissées ci-dessus, l’amenant à dépasser le 3% de déficit accordé par le traité de Maëstricht, l’Union Européenne et les autres Etats se borneraient à la condamner. On doit au contraire faire l’hypothèse que la France créerait de véritables débats de société sur l’avenir de l’Europe en général et des grands Etats-membres en particulier. Si elle décidait par exemple d’augmenter de 20 ou 30% ses budgets de R/D, en affrontant l’opposition de la Commission, les grands Etats tels que l’Allemagne seraient obligés de faire comme elle.

- Oublier que dès les 5 prochaines années, le développement mondial de la crise climatique et environnementale aura nécessairement changé le consensus actuel sur le bien fondé du libéralisme et du capitalisme financier. D’innombrables mesures relevant du « dirigisme » seront nécessaires et obligeront à redéfinir de nouveaux cadres économiques et financiers. Un seul exemple : la taxe carbone dont tout le monde parle. Un tel « prélèvement obligatoire » n’aura rien de comparable aux autres. Ce ne sera pas une ressource stable, puisque par définition la matière imposable évoluera en fonction de l’évolution de la crise et de la façon dont on voudra lutter contre elle. Or cet impôt prendra de plus en plus d’importance, en modifiant beaucoup de comportements économiques. Faudra-t-il l’utiliser à abonder le budget général ou au contraire à financer des comptes spéciaux destinés au soutien des énergies renouvelables et des économies d’énergies.

- Oublier enfin que, dans les 5 prochaines années, le multilatéralisme mondial sera sans doute devenu une réalité. Autrement dit, les Etats-Unis verront leur puissance durablement abaissée et ne pourront plus en principe continuer à utiliser l’Europe comme leur base arrière et zone tampon. D’autres superpuissances se seront affirmées, toutes dirigées par de superpouvoirs mêlant l’étatique et le nationalisme économique. Si l’Europe ne se dote pas, au niveau de l’Union et dans chaque grand Etat-membre, de pouvoirs équivalent, elle disparaîtra. Comme on peut espérer qu’elle tiendra au contraire à s’affirmer comme puissance indépendante, souveraine et solidaire (guidée espérons-le par la France), il deviendra nécessaire de revoir tous les calculs économiques et budgétaires. D’où l’inutilité des comptes d’apothicaires actuels.

Les futurs dirigeants français devraient avoir suffisamment de vision géopolitique pour avertir les citoyens qu’aujourd’hui, ils refusent de se faire ligoter par des engagements budgétaires qui n’ont aucun sens. Ils devraient au contraire centrer leurs programmes sur ces grandes échéances et démontrer qu’ils seront à la hauteur pour s’affirmer face aux autres superpuissances, à commencer par l’Amérique. 17/02/07


Alcatel-Lucent: qui est le dindon de la farce?

Nous avions toujours considéré que la fusion Alcatel-Lucent représentait (en grande partie) la main-mise du pouvoir américain sur une des dernières entreprises européennes de technologie. Les évènements actuels ne nous démentent pas. Alcatel va par exemple fermer ou dégraisser des sites européens dotés d'un fort taux d'ingénieurs et donc d'un fort potentiel de recherche-innovation. Ces compétences, une fois licenciées, seront perdues. Or on nous explique que les entreprises françaises n'investissent pas assez en R/D? Soyons assurés que le partenaire américain dans le couple Alcatel-Lucent, ne va pas faire la même erreur. D'une façon ou d'une autre, les compétences perdues par les Français seront conservées et développées aux Etats-Unis. 17/02/07


Le second porte-avion français

J'estime que Ségolène Royal a eu tort de se prononcer, au détour d'un meeting (aussi important que soit celui-ci) sur l'avenir du 2 porte-avion français, en annonçant que si elle est élue, celui-ci ne sera pas financé et que l'argent ira à l'éducation nationale. En fait, si j'ai bien entendu, elle n'a pas tout à fait dit cela, mais dit que les décisions relatives à ce 2e PA devait être prises dans le cadre de la défense européenne. Elle aurait fait allusion à un équipement en commun avec la Grande Bretagne.

On sait que des négociations ont lieu entre France et Royaume Uni pour développer sur une coque commune 3 PA à propulsion classique, dont 2 destinés à la Royal Navy et 1 à la France. Mais ces négociations semblent pour le moment suspendues en attendant la nomination du remplaçant de Tony Blair. Celui-ci, Gordon Brown, risque d'être bien moins favorable que son prédécesseur à l'idée d'une défense européenne et même d'équipements communs entre la France et la Grande Bretagne. Pour le moment, le PA2, le deuxième porte-avions français, voulu par Jacques Chirac et qui devrait devenir en 2015 le binôme du Charles de Gaulle (photo, au premier plan), n'est qu'un des grands programmes d'armement en cours. Il n'a pas encore, sous l'actuel gouvernement, fait consensus. A l'ouverture du salon Euronaval, Michèle Alliot-Marie avait affirmé que son « ambition est bien de rendre ce programme aussi irréversible que possible » et appelé les industriels à « une mobilisation à la hauteur de l'importance stratégique de ce dossier ». Elle avait indiqué que le projet de loi de finances 2007 avait inscrit 700 millions d'euros au titre de son ministère pour le développement du PA2. «C'est une somme considérable, avait-elle dit, je vois mal un gouvernement renoncer aux sommes investies pour rien. C'est en ce sens qu'on peut parler d'irréversibilité. »

En fait, selon les informations que l'on peut avoir,
le dossier reste fragile. La marine fait valoir, ce qui est indiscutable, d'une part que le porte-avions est l'outil indispensable pour la gestion de crises, en permettant la projection de puissance sans disposer de bases à terre, et d'autre part qu'un deuxième navire est indispensable, le Charles de Gaulle étant régulièrement indisponible pour 18 mois d'entretien. Mais comment faire la dépense (d'environ 12 milliards d'euros?) sans sacrifier d'autres programmes indispensables? L'armée de terre fait valoir que, dans les opérations extérieures, elle a un besoin vital d'hélicoptères ou de blindés. L'armée de l'air craint pour ses Rafale et rappelle que l'on peut aisément déployer des chasseurs depuis la terre (à condition que des pays amis l'acceptent). La coopération avec la Grande Bretagne, comme indiquée ci-dessus, parait de plus en plus fragilisée, ce qui est évidemment très dommage. Faudrait-il alors pour trouver de l'argent réduire le nombre des missiles M51 embarqués sur les SNLE (le programme total coûtant plus de 18 mds d'euros?).

J'estime pour ma part qu'un 2ePA est indispensable, bien plus indispensable que le remplacement sur tous les SNLE des missiles actuels par des M51. Le PA aura évidemment un rôle à jouer, quel que soit la conjoncture, et peut-être plus tôt que prévu, y compris pour des opérations dites humanitaires. Il faut espérer au contraire que les missiles nucléaires pourraient rester inutilisés et donc que leur modernisation pourrait sans risque être échelonnée dans le temps. L'idéal serait évidemment que la dépense du 2ePA soit partagée dans le cadre d'une future défense européenne, au service d'une force navale commune. Mais la France ne sera pas convaincante si elle se borne à demander des crédits à ses partenaires sans mettre une part substantielle au pot. Il ne faudrait donc pas dans l'immédiat laisser penser que notre pays renonce au porte-avions.

Tout ceci veut dire que la question est plus que stratégique et ne peut être tranchée dans le cours d'une campagne, que ce soit par Sarkozy, par Ségolène Royal ou par tout autre candidat. Tout au plus pourrait-on annoncer qu'elle fera partie des premières préoccupations de la nouvelle majorité et du nouveau gouvernement. 16/02/03

Publié dans gazetadmiroutes

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